Plain-chant ou grégorien - Ensemble Vocal de Canisy

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Entretien avec Philippe Cléris
choriste et musicologue*


"L'art grégorien a porté à un tel point de perfection le chant liturgique que ce serait, dans l'ordre de la culture chrétienne, une véritable catastrophe s'il disparaissait."

Maurice Duruflé (L'Orgue, n°130, 1969)

"Grégorien"... "Plain-chant"... Les deux termes sont-ils équivalents ?

le terme de « Plain-chant" (du latin « cantus planus ») désigne un chant grave et solennel, avec des valeurs longues, qui porte le texte d’une hymne ou d’un psaume, de la messe ou d’autres textes d’origine biblique…. Il s'applique à un patrimoine liturgique ancien et très divers.
En France, les textes des hymnes étaient souvent des vieux textes du Moyen Age « propres » à chaque diocèse avec leurs mélodies particulières… Les sept diocèses de la province ecclésiastique de Rouen étaient très fiers de ces hymnes et de leurs mélodies (par exemple « O filii et filiae » chanté pour le jour de Pâques en Normandie, texte datant du XVe siècle, ou de nombreuses hymnes liées à la piété mariale très forte dans notre région…).

Et le "Grégorien" ?

Par une boutade, on dira que le « Grégorien » est au plain-chant ce que Violet le Duc fut à l’architecture gothique : une tentative de recréer un état médiéval pur et idéal du plain-chant d’église à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle sous l’autorité du pape Saint Pie X qui voulait revenir à l’époque de Grégroire le Grand, le pape de l’Antiquité tardive sous lequel les plus grandes hymnes latines avaient été écrites et mises en musique (ex : les hymnes de Saint Ambroise tel que le « Victimae paschalis laudes »).

Cette réforme lancée en France à partir de l’abbaye de Solesmes (entre autres) eut beaucoup de mal à s'imposer, à cause, précisément, de la vivacité des pratiques du « plain-chant » traditionnel dans chaque diocèse.


Cette distinction a-t-elle encore un sens aujourd'hui, quand les offices religieux sont rarement dits en latin ?

Effectivement, le passage à la langue française pour la liturgie de l’église catholique de France (suite au Concile de Vatican II)
fut l’occasion d’en finir avec une querelle qui empoisonnait paroisses et cathédrales : dans quel latin chanter la liturgie ?
Celui de Rome (le « grégorien ») ? ou celui de t’cheu nous
(le « plain-chant ») ?

Si Rouen fut l'un des célèbres foyers du plain-chant, il n'est donc pas surprenant que Maurice Duruflé ait voulu prolonger cette tradition ?

En effet, car il fut élève de la maîtrise de la cathédrale, héritière d'une grande tradition chorale, qui forma, au début du XXe siècle, des musiciens de haut niveau. Il y reçut l'enseignement de l'organiste Jules Haëlling, qui fut aussi le maître de Paul Paray, quinze ans plus tôt. La plupart des grands organistes rouennais sortirent de la maîtrise Saint-Evode, à l'exception du jeune prodige Marcel Dupré, élève du lycée Corneille, dont le père était lui-même organiste... Quant à l'écriture musicale de Pierre Villette, plus tardive et plus "moderne", elle reste fidèle à la même tradition "grégorienne". Duruflé la croyait universelle, et c'est elle, peut-être, qui explique la notoriété mondiale de son Requiem.


Téléchargez l'article de Philippe Cléris : Plain-chant ou Gr\'e9gorien
(fichier pdf)

Les grands musiciens de Rouen sur le Web
:

Marcel Dupré (1886-1971) : www.musimem.com/dupre-bio.htm
Paul Paray (1886-1979) : www.paulparay.fr

Maurice Duruflé (1902-1986) : Musica et Memoria
+ compositions
Pierre Villette (1926-1998) : www.musimem.com/villette.htm

Histoire de la Maîtrise Saint-Evode : www.saint-evode.com/2-historique.htm

* Pour Philippe Cléris, "Normandie" s'écrit toujours avec un grand N. Auteur du recueil Organistes, facteurs et maîtrises de Caen de 1562 à 1793, il a réalisé une minutieuse enquête sur le patrimoine musical de la ville qui fut "l'Athènes normande" des XVIIe et XVIIIe siècle (Cahiers Léopold Delisle, distribués par les libraires de Caen et le réseau Harmonia Mundi).


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